samedi 13 février 2016

Bonjour Mr Graviton

Exceptionnel ! Voilà un siècle que les chercheurs attendaient de débusquer les ondes gravitationnelles, ces vibrations de l'espace-temps qui confirment la théorie de la relativité générale d'Einstein.

C'est chose faite depuis le 11 février 2016.

Explications.

Le directeur du CNRS Alain Fuchs s'est dit "estomaqué" par la découverte. Et pour cause : "Pour la première fois, des scientifiques ont observé des ondulations de l’espace-temps, appelées ondes gravitationnelles, produites par un événement cataclysmique dans l’Univers lointain atteignant la Terre après un long voyage". C'est par ces propos que l'insoutenable suspense a pris fin : oui, une onde gravitationnelle a bien été détectée ! Une annonce - et quelle annonce - dont Sciences et Avenir avait révélé l'essentiel dès le 8 février, et qui a été officiellement confirmée lors d'une conférence du CNRS ce jeudi 11 février 2016 . Des ondes gravitationnelles décelées précisément le 14 septembre 2015, à 11h51, heure de Paris (9h51 GMT), par les deux détecteurs jumeaux de LIGO (Laser Interferometer Gravitational-Wave Observatory) situés respectivement à Livingston en Louisiane, et Hanford, dans l’Etat de Washington aux Etats-Unis.

En une fraction de seconde, les trous noirs entrent alors en collision à une vitesse de l’ordre de la moitié de celle de la lumière.

La découverte, qui fait l’objet d’une publication acceptée par la revue Physical Review Letters, a été réalisée par la collaboration scientifique LIGO (qui inclut la collaboration GEO et l’Australian Consortium for Interferometric Gravitational Astronomy) et la collaboration Virgo, le détecteur franco-italien situé en Italie. Le nombre de signataire pourrait atteindre le millier, dont 74 Français appartenant à 6 laboratoires. Ce qui a motivé la réaction de Thierry Mandon, secrétaire d'État chargé de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, qui a salué le fait que "la France est au premier plan d’une découverte exceptionnelle".

Les ondes détectées proviennent en l'occurrence de la collision de deux trous noirs. La rencontre entre ces deux corps très denses et très compacts a en effet provoqué quelques remous dans l'Univers... comme des ronds dans l'eau d'un étang après que l'on y a jeté un caillou. "En une fraction de seconde, les trous noirs entrent alors en collision à une vitesse de l’ordre de la moitié de celle de la lumière et fusionnent en un trou noir unique. Celui-ci est plus léger que la somme des deux trous noirs initiaux car une partie de leur masse (ici, l’équivalent de 3 soleils, soit une énergie colossale) s’est convertie en ondes gravitationnelles selon la célèbre formule d’Einstein E=mc2. C’est cette bouffée d’ondes gravitationnelles que les collaborations LIGO et Virgo ont observée", détaille le CNRS.

Mieux encore, les chercheurs ont pu diffuser le "son" de l'onde détectée.

 

Qu'est-ce qu'une onde gravitationnelle ?

Mais au juste, qu'est-ce qu'une onde gravitationnelle ? L’hypothèse de l’existence de ce frisson spatial remonte aux premières décennies du 20e siècle. En 1915 précisément, époque où la relativité générale théorisée par Einstein bousculait notre compréhension du monde. Désormais, il fallait envisager l’espace, doté d’une élasticité et façonné par la matière, exactement comme si le contenu (planètes, étoiles et galaxies) courbaient le contenant, c’est-à-dire l’espace tout entier. Ainsi, nous dit Einstein, la forme de l’espace dépend de la matière qui s’y loge. De ce fait, toute accélération de masse devrait la changer et ceci se manifester par une vague qui parcourt le Cosmos tout entier. Le fameux caillou lancé dans un lac ! Sur son passage, cette onde dilaterait puis contracterait l’espace.
Comme l'explique très bien cette vidéo :
Ainsi, en théorie, tout objet qui se trouve sur le trajet d’une onde gravitationnelle voit sa longueur varier : tout se passe comme si l’espace entre les atomes de ses molécules se distendait puis se resserrait. Ce surprenant constat indiquant qu’au loin deux astres massifs se rapprochent l’un de l’autre pour rentrer en collision ou encore qu’une étoile explose, éjectant son enveloppe. En effet, comme nous l'expliquions dans cet article, deux trous noirs de masses respectives de 29 et 36 fois la masse du Soleil se sont rapprochés et ont fini par fusionner il y a 1,3 milliards d'années. La source se trouve donc à plus d'un milliard d'années lumière. La fusion a donné naissance à un gigantesque trou noir d'une masse finale de 62 masses solaires. Or, 29 + 36 sont sensés faire 65. Ce qui signifie que l'équivalent de 3 masses solaires a été expulsé sous forme d'ondes gravitationnelles.
Et c'est cet évènement d'une grande intensité qui a provoqué cette vibration de l’espace-temps, titillant à son passage sur Terre les détecteurs LIGO et Virgo. Mieux encore, la source de ces ondes gravitationnelles se situerait dans l'hémisphère sud, une hypothèse permise grâce à la comparaison des temps d’arrivée des ondes gravitationnelles dans les deux détecteurs situés d'un bout à l'autre des Etats-Unis (7 millisecondes d’écart) et l'étude des caractéristiques des signaux mesurés par LIGO et Virgo.
"Cette découverte nous ouvre un vaste champ de recherches", se félicite Benoît Mours, astrophysicien au laboratoire d'Annecy-le-Vieux. C'est même une "nouvelle astronomie" qui vient de voir le jour comme l'a relevé l'Académie des Sciences. En effet, sans un tel instrument, les chercheurs ne seraient jamais parvenu à détecter la fusion de ce duo de trous noirs. En prouvant leur efficacité, ces détecteurs d'ondes gravitationnelles fournissent donc un nouvel outil pour scruter et comprendre notre univers.

Par Azar Khalatbari et Erwan Lecomte


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